Portfolio Management

07-09-2024 15:44:37

1'22"

Préambule

Le rôle essentiel du Portfolio Management est d'optimiser les ressources qui sont dévolues aux projets et programmes qui composent le portefeuille; cette optimisation est effectuée dans un objectif global de portefeuille et non pour un projet ou programme spécifique.

En bref …

Dans un monde où les entreprises sont confrontées à des défis croissants et à une concurrence féroce, le Portfolio Management se positionne comme un pilier stratégique d'une véritable importance. Son rôle essentiel réside dans l'optimisation des ressources allouées aux projets et programmes qui composent le portefeuille global. Contrairement à une approche traditionnelle qui se concentre sur des projets individuels, cette méthode vise à maximiser la valeur et l'efficacité à l'échelle du portefeuille ce présuppose une forme de jonglerie entre projets et programmes individuels pouvant mener à d'implacables revues des budgets alloués ou au gel ou à l'arrêt définitif de projets et/ou programmes.

En intégrant des critères de performance, des analyses de risque et des priorités stratégiques, le Portfolio Management permet aux organisations de prendre des décisions éclairées et alignées sur leurs objectifs globaux. Les ressources, qu'elles soient financières, humaines, techniques, ou temporelles sont ainsi déployées de manière optimale, garantissant que chaque projet contribue à la vision d'ensemble : optimisation globale vs. optimisation locale !

Ceci étant dit et posé, voyons ensemble ce qu'implique le Portfolio Management…


Un portfolio, ou portefeuille en français, est un ensemble de projets et/ou de programmes inscrits dans une même chaîne de valeur et qui partagent les mêmes ressources et remplissent les mêmes objectifs stratégiques.

C'est une approche stratégique qui optimise la gestion de l'ensemble des projets d'une organisation en les regroupant dans un portefeuille cohérent. Cette méthode permet d'aligner chaque projet sur les objectifs stratégiques de l'entreprise (sous l'angle d'une chaîne de valeur), d'allouer efficacement les ressources, de prioriser intelligemment les projets et de suivre leur avancement de manière globale. En adoptant cette approche par portefeuille, les entreprises s'assurent que leurs projets sont conformes à leurs objectifs ce qui leur permet de réagir de manière proactive aux changements du marché et de maximiser leurs chances de succès. La gestion de portefeuille n'est pas une phase; c'est une activité récurrente qui dure aussi longtemps qu'existe le portefeuille !

Le Portfolio Management est donc une pratique qui consiste à gérer et à optimiser les ressources des projets et programmes qui en font partie (maximisation de leur valeur) ainsi qu'à aligner leurs objectifs stratégiques (ou gérer un parc commun, notion que je dois élaborer/affiner) et à prioriser les initiatives entre elles. Un autre aspect de la gestion de portfolio est de faire face aux risques tout en minimisant les risques globaux en s'assurant, par exemple, que ces risques sont effectivement gérés de manière efficace et globalisée. Elle permet également d'assurer une vue d'ensemble des investissements en IT et de prendre des décisions éclairées concernant la continuation, l'amélioration ou le retrait de certains projets ou applications.

Regroupement de projets et/ou de programmes

Dans la gestion de portefeuille, plusieurs logiques peuvent présider au regroupement des projets et programmes au sein d'un même portefeuille. Voici les principales que j'ai pu rencontrer :

  • Alignement stratégique : Les projets sont souvent regroupés en fonction de leur contribution aux objectifs stratégiques de l'organisation. Cela permet de s'assurer que chaque projet soutient la vision globale de l'entreprise. Pour être complet, je dirais que j'ai pu rencontrer des situations où, quand bien même les projets étaient contributif à une alignement stratégique commun, ils n'étaient pas nécessairement regroupés au $sein du même portfolio. Par contre, ils étaient souvent logés dans la même chaîne de valeur.
  • Synergie et interdépendance : Les projets qui partagent des ressources, des compétences ou des objectifs communs sont souvent regroupés pour maximiser les synergies et réduire les redondances. Cette approche favorise une gestion coordonnée et efficace. Là aussi, pour être complet j'ai souvent été témoin de regroupements en portefeuille suivant la nature des projets et/ou programmes. Ainsi, chez ING, j'ai eu l'occasion de jouer le rôle de Delivery Manager au sein du portfolio des projets "Infra". Chez BNP, j'ai joué le rôle de Chef de Programme pour la mise au point d'une plateforme Internet & Mobile Banking; le département a varié entre 40 et 110 personnes et lorsque le chef de Département organisait une revue générale des projets individuels du département il appelait cette réunion le Portfolio Board ce qui indique suffisamment que parfois il peut y avoir une légère confusion des termes utilisés même si, par ailleurs, l'objectif poursuivi était parfaitement identique à ce qu'on fait dans une gestion de portefeuille. En l'occurrence, dans ce cas d'espèce, les projets et programmes étaient regroupés sur base de la nature des sujets traités, le web, et surtout sur base des technologies utilisées.
  • Gestion des risques : En regroupant des projets similaires, il est possible de mieux évaluer et gérer les risques associés, surtout les risques liés aux dépendances entre projets et programme, notamment par leur identification précoce ce qui permet d'atténuer les impacts potentiels sur l'ensemble du portefeuille.
  • Optimisation des ressources : La gestion de portefeuille permet d'optimiser l'allocation des ressources (humaines, financières, techniques) en tenant compte des priorités et des besoins des différents projets. C'est dans mon expérience, l'objectif principal du Portfolio Management.
  • Priorisation des projets : Les projets peuvent être regroupés selon leur niveau de priorité, ce qui facilite la prise de décision quant aux investissements à réaliser et aux projets à soutenir en priorité. Ceci dit, c'est aussi un véritable casse-tête si les projets sont aussi priorisés au niveau de la chaîne de valeur, voire directement priorisés au niveau global de l'entreprise comme par exemple les thèmes stratégiques présents en SAFe, le casse-tête résidant en un alignement entre les priorités assignées aux initiatives, ce qui, dans mon expérience, au vu des outils différents utilisés dans l'entreprise et leur peu de gestion intégrée peut s'avérer difficile.
  • Cohérence opérationnelle : Regrouper des projets similaires permet d'assurer une cohérence dans les processus opérationnels et de faciliter la communication entre les équipes. C'est typiquement le cas que j'ai connu chez BNP pour le gigantesque programme WInternet and Mobile Banking même si … on n'appelait pas cela un portefeuille.

Ces logiques de regroupement contribuent à une gestion plus efficace et stratégique des projets, permettant ainsi d'atteindre les objectifs organisationnels de manière plus cohérente et intégrée.

Les principaux enjeux du Portfolio Management

Le Portfolio Management présente plusieurs enjeux clés pour les entreprises :

Centraliser les données des différents projets

Les entreprises composent de plus en plus avec un nombre croissant de projets, parfois complexes et déployés sur des sites différents. Pourtant, tous doivent répondre à des normes et objectifs communs. La mise en place d'une cellule projet permet donc de centraliser toutes les données afin de piloter au mieux les processus, tant au niveau stratégique qu'opérationnel. Le fonctionnement du management de portfolio est alors inséparable de son aspect PMO - Project/Program Management Office.

Pour facile qu'il soit de libeller cette centralisation elle n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre surtout quand l'entreprise ne possède pas déjà au moins un embryon de colonne vertébrale digitale. En effet, c'est la colonne vertébrale qui permet de connecter les composants de l'organisation (ses départements) et ses antennes : la connexion du système d'information est indispensable, mais pas suffisante, car même si les départements peuvent communiquer encore faut-il qu'ils soient capables de se comprendre, et ce, de manière automatisée (question d'input/output). Ainsi, j'ai rencontré une organisation parfaitement connectée (la colonne vertébrale était présente) mais ce qui lui manquait singulièrement c'était une interconnexion automatique entre les différents systèmes qui composaient le SI, obligeant les collaborateurs à de trop nombreuses manipulations afin de garder les données cohérentes : copier/coller dans 4 ou 5 systèmes — ServiceNow, Azure DevOps, Oracle, Timesheets, … le tout devant parfois fonctionner en Citrix, parfois directement accessible — avant de pouvoir considérer que l'information avait été centralisée, parfois mal suite à de menues erreurs de manipulation. Le portfolio là avait un autre nom : une Tribu ou Tribe en anglais ! Il était particulièrement mal géré, il faut bien l'admettre ce qui a d'ailleurs été fatal à plusieurs projets dont la surveillance avait été curieusement assez lâche, les budgets ayant été diminués de plus de 60% ce qui a provoqué le licenciement de plusieurs personnes dont, en première mesure, les consultants externes.

Prioriser les projets

Le Portfolio Management, grâce à des analyses précises (métriques fournies par le PMO - Project/Program Management Office), permet d'identifier les rendements potentiels de chaque projet. De ce fait, la prise de décisions est mieux éclairée, et les organisations déterminent où il est le plus judicieux d'allouer leurs forces et leurs ressources.

Ici encore, je suis obligé de préciser qu'il s'agit d'un exercice difficile, ou plutôt, délicat. En effet, il n'est pas rare de déscoper certains projets sur base de leur priorité plus basse, priorité qui leur a été allouée AVANT de les démarrer étant entendu que par priorité on entend généralement importance. Par contre, l'importance/priorité d'un projet peut évoluer à tout moment : c'est une erreur de considérer l'importance comme étant une donnée statique; elle est intrinsèquement dynamique tant ce qui apparaissait important hier peut, avec le temps et les circonstances, évolue tant vers le haut que vers le bas.

Ensuite, j'aimerais aussi revenir sur ce distinguo entre priorité et importance. En effet, je n'aime pas prendre l'une pour l'autre et je vais vous expliquer ce qui me chipote par un exemple. Vous avez deux projets d'importance différente mais avec deux dates de mise à disposition souhaitée [1] , D du projet moins important étant plus proche que D du projet plus important et sachant que ce D-là (projet plus important) n'est pas mise en danger tandis que D du projet moins important l'est. Et bien … la priorité devient de démarrer le projet MOINS important le plus vite possible … et donc d'en AUGMENTER la priorité.

priorité !== importance.

Comme je l'ai indiqué en note de bas de page, c'est tout le sens de la formule LVID : Labor (estimation du travail, donc du coût), Value (Valeur associée au résultat, et donc … contribution aux objectifs stratégiques, Importance (forced, légal ou pas sur une échelle de 1 à 10), Desired Launch Date.

Chacun de ces paramètres a son rôle à jouer dans la priorisation des projets/programmes et ce qui est vrai pour un portfolio est aussi vrai pour une chaîne de valeur ou carrément pour toute l'entreprise.

Aligner les projets sur la stratégie globale de l'entreprise (et de sa place de marché)

Le Portfolio Management s'assure que chaque projet répond aux objectifs globaux de l'entreprise et maintient cet alignement en cas de changement d'orientation stratégique. Il permet aussi de diffuser plus facilement le même degré d'information auprès des équipes, afin que chacun comprenne l'intérêt de ses actions.

Pour LVID, on parle du paramètre V : Value

Il est très habituel de pas toucher au paramètre V des projets/programmes d'un portfolio une fois qu'il a été établi. Rien n'est plus erroné ! En effet, TOUS les paramètres peuvent être appelés à se modifier au cours du temps, tant le travail impliqué (L), que la valeur (V), l'importance (I, forced ou pas), et la date souhaitée de lancement (D) peuvent être impactés au cours du temps. Allez dire au secteur automobile que ces paramètres n'ont pas influencé de nombreux projets le 27 mars 2023, lorsque l'Union Européenne a validé la fin des ventes de moteurs thermiques !

Á vrai dire, ces paramètres évoluent en permanence en fonction du contexte de l'organisation et en fonction du contexte général. C'est la raison pour laquelle il est si important pour une organisation dans son ensemble, pour ses chaînes de valeur et pour ses portfolios, de traquer avec soin l'environnement dans lequel ils baignent. Ainsi, pour LVID, le Portfolio Management s'accompagne invariablement de la mise en place d'une forme de vigie ce qui se retrouve dans mes schémas aux endoits entourés dans l'illustration ci-dessous :

Des vigies à plusieurs endroits de l'organisation

Établir des connexions entre les projets

Même si leurs natures divergent, tous les projets d'une même structure sont rarement isolés les uns des autres. Le Portfolio Management participe donc à la gestion des interdépendances et des ressemblances entre ces différents projets, afin de réduire les risques, gagner en productivité et identifier les actions garantissant le meilleur retour sur investissement.

Ouïe … c'est vite dit ! De quoi parle-t-on au juste ?

Ressemblances entre projets

  1. Objectifs communs : Les projets peuvent être regroupés s'ils visent des résultats similaires ou s'ils contribuent à des objectifs stratégiques communs. Cela permet de s'assurer que les ressources sont allouées de manière à maximiser l'impact global.
  2. Méthodologies similaires : L'utilisation de méthodologies de gestion de projet identiques (comme Agile ou Waterfall) peut faciliter la coordination entre projets, car les équipes sont déjà familiarisées avec les processus et outils.
  3. Secteur d'activité : Les projets dans le même secteur (par exemple, développement logiciel, marketing, etc.) peuvent partager des meilleures pratiques et des leçons apprises, ce qui favorise l'innovation et l'efficacité.

Interdépendances entre projets

  1. Dépendances techniques : Certains projets peuvent dépendre des résultats d'autres projets pour avancer. Par exemple, un projet de développement d'un nouveau logiciel peut nécessiter des données provenant d'un autre projet d'analyse de marché : on parle de dépendance IN (on attend quelque chose) ou de dépendance OUT (quelqu'un attend quelque chose de nous). Les chefs de projets qui ont des dépendances IN sont invités aux comités de pilotage des projets qui doivent leur livrer quelque chose; les chefs de projets qui ont des dépendances OUT peuvent être invités aux steercos qui en attendent des choses.
  2. Partage de ressources : Les projets qui utilisent des ressources communes (humaines, financières, technologiques) doivent être gérés de manière à éviter les conflits et les surcharges. Cela nécessite une planification minutieuse pour garantir que les ressources sont disponibles lorsque nécessaire. L'exercice de priorisation joue ici un rôle crucial.
  3. Calendrier coordonné : Les projets doivent être planifiés de manière à ce que leurs échéances ne se chevauchent pas de manière problématique. Un retard dans un projet peut avoir des répercussions sur d'autres projets interdépendants. Là aussi, l'exercice de priorisation joue ici un rôle crucial.
  4. Gestion des risques : Identifier les interdépendances permet de mieux anticiper les risques. Par exemple, si un projet est en retard, cela peut affecter le calendrier d'autres projets qui en dépendent. Une gestion proactive des risques aide à atténuer ces impacts.

Composants : Buy or Build

Dans un portfolio il se pourrait que différents projets aient un besoin commun, une sorte de composant nécessaire à l'un et l'autre. Il faut alors soit construire le composant soit utiliser un composant tout fait (Buy or Build).

Il est primordial d'éviter que deux ou plusieurs projets achètent ou construisent de tels composants séparément : évitement des double ou triple costs !. Ce sont des "découvertes" qui sont généralement faites au cours de meetings d'architecture dans le portfolio, voire inter portfolios, ou inter chaînes de valeur quand ce n'est pas carrément au niveau de l'architecture "entreprise". C'est un sujet que je ne traiterai pas ici.

Lorsqu'il s'agit de décider entre construire un composant en interne ou acheter une solution prête à l'emploi, une approche structurée est essentielle. Voici une petite stratégie concise en plusieurs étapes bien que je sois d'emblée cplutôt d'emblée en faveur de la stratégie "Buy" ce qui est, je l'admets, très très très controversé: 

1. Évaluation des besoins
  • Identification des exigences : Définissez clairement les besoins fonctionnels et techniques du composant nécessaire pour les projets concernés.
  • Analyse des utilisateurs : Évaluez qui utilisera le composant et comment il s'intègre dans les projets.
2. Analyse des options
  • Recherche de solutions existantes : Identifiez les composants disponibles sur le marché qui répondent aux exigences définies.
  • Évaluation des coûts : Comparez les coûts de développement interne (ressources, temps, maintenance) avec le coût d'achat d'une solution prête à l'emploi.
3. Évaluation des risques
  • Risques de développement : Considérez les risques associés à la construction d'un composant, tels que les délais de livraison, les problèmes techniques et les ressources humaines.
  • Risques d'achat : Évaluez les risques liés à l'achat, comme la dépendance vis-à-vis d'un fournisseur, les mises à jour et la compatibilité.
4. Prise de décision
  • Tableau de décision : Créez un tableau comparatif des avantages et inconvénients de chaque option (buy vs. build).
  • Consultation des parties prenantes : Impliquez les parties prenantes clés pour obtenir des retours et valider la décision.
5. Mise en œuvre et suivi
  • Plan d'action : Si vous optez pour le développement interne, élaborez un plan de projet détaillé. Si vous choisissez d'acheter, établissez un processus d'intégration.
  • Suivi des performances : Évaluez régulièrement la performance du composant, qu'il soit construit ou acheté, pour garantir qu'il continue de répondre aux besoins des projets.

Dernier point mais il a toute son importance … Si vous décidez de construire des composants il est PRIMORDIAL d'en prévenir les parties prenantes et ce pour au moins deux raisons :

Construction de composant = communication avec les parties prenantes = lightweight business case

  1. Il y a un coût associé à la construction de composants, quel qu'il soit (nature et importance). Ce coût doit être couvert par des bénéfices attendus et il vous appartient de les documenter. J'ai une assez mauvaise expérience de ce point dans un pseudo-portfolio, appelé Tribe. En effet, face à la volonté du Management de réduire les budgets, les membres des équipes ont essayé de justifier des dépassements de timeline et de budget en arguant qu'ils avaient développé des composants susceptibles d'être utilisés dans nombre d'autres projets similaires. Quand le Management a demandé à connaître le nombre de ces projets potentiellement bénéficiaires de tels composants, et quelles étaient les économies attendues, l'équipe mal préparée à la question n'a pas pu immédiatement établir de bénéfice tangible. Résultat : les explications ont été rejetées par le Management, selon moi, avec raison, les budgets ont été réduits de 60% et nombre de projets arrêtés ! Ayez donc sous le coude une sorte de mini Lightweight Business Case. C'est mon conseil.
  2. Le coût associé au composant peut être très vite amorti si vous le mettez en production rapidement, et ce, même s'il n'est pas encore utilisé. Informer vos parties prenantes est donc crucial pour qu'il puisse être procédé aux amortissements le plus vite possible ce qui n'est pas le moindre des avantages. Je vous dirais même que si vous fonctionnez sur la base de services "atomiques" qui composent une solution générale, chaque mise en production d'un service peut servir le même but. Ce n'est pas tricher ! C'est juste être smart.

Les acteurs clés du Portfolio Management

Bien que chaque organisation soit différente, on retrouve couramment ces différentes "casquettes" pour la construction et le suivi du portefeuille de projets :

  • Le Portfolio Management Officer (PMO, mais différent de Project Management Office) a un rôle pivot de manager du portefeuille de projets. Il assure l'analyse et la gouvernance des projets, maintient un portefeuille vivant et réévalue les priorités si besoin. Je saisi l'occasion de remercier ces deux PMO qu'i m'ont tous deux rendus d'inestimables services en la matière ;: Xavier Deslé et Diego Alvarez, tous deux chez BNP sur l'immense chantier de la plateforme "Internet and Mobile Banking". Mes remerciements seraient incomplets s'ils n'étaient pas non plus dirigés vers Yvan Pirenne, alors chef du département, et Vincent Wenin en sa qualité de Delivery Manager.
  • Le Directeur des Systèmes d'Information (DSI) est un interlocuteur privilégié lorsque la majorité des projets sont d'ordre IT.
  • Les Chefs de Projet travaillent en étroite collaboration avec le PMO pour mettre en œuvre le cadre général de gestion de projet.
  • Les Métiers et autres parties prenantes du projet apportent leur expertise métier.
  • Les architectes de tous bords.
  • Les leaders techniques

Les étapes clés de la construction d'un portefeuille de projets

Voici les principales étapes pour construire et suivre un portefeuille de projets :

  1. Identifier les idées de projet et les qualifier sommairement
  2. Sélectionner les projets les plus pertinents
  3. Estimer les projets retenus (budget, planning, risques) … idéalement en en connaissant les paramètres L (labor), V (Value), I (Importance) et D (desired launch Date)
  4. Arbitrer et prioriser les projets en fonction des ressources disponibles
  5. Suivre l'avancement des projets et ajuster si nécessaire
  6. Établir une méthode de travail au sein du portfolio avec une batterie de meetings fixes au calendrier pré-établi (attention … pas trop de meetings car les meetings sont toxiques par nature).
  7. Établir des organes internes qui répondent aux besoins des portfolios. Je pense en particulier à ces meetings entre architectes, aux chapters, aux communautés de pratique, etc. Je dois avouer que j'ai souvent trouvé chapters et COPs être des — je dois d'emblée présenter mes excuses à nombre de gens qui font ces métiers avec passion et avec béfénice évident pour les entreprises — praatbaraks. Je dois définitivement me débarrasser de cette impression mais j'avoue que mes observations confirment souvent ces mauvaises impressions. Je vous présente toutes mes excuses.

Les KPI habituels du Portfolio Management

Les indicateurs KPI ou métriques) les plus souvent utilisés sont, sans surprise,  :

Alignement budgétaire

Cet indicateur permet de savoir si chaque projet est en ligne avec le budget qui lui est alloué. Le chef de projet doit suivre que les coûts réalisés sont conformes aux coûts estimés. Cela permet au PMO d'anticiper les projets qui libèrent des budgets (dépenses inférieures) ou au contraire ceux qui nécessiteront des ressources supplémentaires.

Il n'est pas nécessaire de faire autre chose que ce qu'on fait déjà, ou devrait déjà faire : on parle du Rapport de statut de projet. Ce qui serait évidemment épatant et pourtant rare, c'est que le PSR soit établi automatiquement sur base des données enregistrées en Jira, VersionOne, Azur DevOps ou tout autre source de ce type.

Respect des délais

Cet indicateur permet de suivre l'avancement de chaque projet et d'anticiper les retards éventuels. Le chef de projet doit suivre le planning (diagramme de Gantt) et notamment le chemin critique pour identifier les impacts sur les activités et la date de fin de projet. Le PMO peut ainsi maintenir son pipeline de projets à jour et ajuster si nécessaire. Là aussi, on s'en remet au PSR. J'insiste : automatisé si possible !

Contribution aux objectifs (ROI)

Cet indicateur mesure la contribution de chaque projet au chiffre d'affaires de l'entreprise par rapport aux investissements réalisés. Le chef de projet doit estimer les gains apportés par le projet dans le temps et les comparer aux investissements nécessaires. Cela donne au PMO une vision des projets les plus rentables pour l'entreprise et l'aide à prioriser les projets.

Intérêt du projet

Cet indicateur peut nuancer les indicateurs strictement financiers. Il permet d'évaluer l'intérêt stratégique du projet pour l'entreprise, au-delà de sa rentabilité.

Avancement global du portefeuille

Au-delà du suivi de chaque projet, le PMO doit avoir une vision synthétique de l'avancement de l'ensemble du portefeuille. Il peut s'appuyer sur des indicateurs comme le nombre de projets en cours, le nombre de projets terminés, le taux de projets en retard, etc.

Degré de conformité aux règles de gouvernance

Un autre indicateur important pour le Portfolio Management Officer (PMO) est l'estimation du degré de conformité du portefeuille aux règles de gouvernance établies. Dans une mission que j'ai pu exercer dans une grande banque de la place de Bruxelles, cet indicateur était quasiment le seul qui importait. Voici les principaux éléments à prendre en compte :

  • Alignement stratégique : Le PMO doit s'assurer que chaque projet du portefeuille contribue bien aux objectifs stratégiques de l'entreprise. Il évalue la cohérence entre les projets et la stratégie globale. Nous avons déjà couvert cette partie.
  • Gestion des risques : Le PMO vérifie que les risques de chaque projet sont bien identifiés, évalués et gérés conformément aux politiques de l'entreprise en matière de gestion des risques. Ce n'est guère différent de ce qui est communément fait dans la gestion de projets et qui devrait donc être présent dans le PSR.
  • Processus décisionnels : Le PMO s'assure que les décisions clés concernant le portefeuille (sélection, priorisation, allocation des ressources, etc.) sont prises selon les processus et comités de gouvernance établis et qu'ils sont parfaitement documentés. Souvent,; ces décisions sont formalisées lors du Portfolio Board.
  • Reporting et suivi :Le PMO contrôle que les projets font l'objet d'un reporting régulier et d'un suivi conforme aux exigences de gouvernance (indicateurs, fréquence, format, etc.). J'aime assez que chaque rapport soit assorti de 2 ou 3 commentaires clefs (Key Messages).
  • Gestion des parties prenantes : Le PMO vérifie que les différentes parties prenantes (sponsors, utilisateurs, équipes, etc.) sont impliquées et communiquent selon les modalités définies dans la gouvernance. J'aime assez bien l'exercice niko-niko pour juger régulièrement de la satisfaction de mes interlocuteurs : c'est simple et efficace.

Transformation Digitale et Portfolio Management

Lors d'une transformation digitale, le manager de la transformation ne se substitue pas au Portfolio Manager. Ils collaborent de manière étroite et complémentaire pour mener à bien le projet :

  • Le manager de la transformation apporte son expertise sur les tendances et technologies digitales, ainsi que sur la gestion du changement organisationnel.
  • Le Portfolio Manager fournit des informations essentielles sur les ressources disponibles, les priorités stratégiques et les interdépendances entre projets.

  • Ensemble, ils établissent un programme de transformation aligné sur la stratégie globale, en tenant compte des contraintes du Portfolio Manager.
  • Le Portfolio Manager reste le "doer", responsable de l'exécution opérationnelle des projets[5].
  • Le manager de la transformation joue un rôle de facilitateur et de catalyseur du changement, en apportant son soutien au Portfolio Manager.
  • Leur collaboration permet de maximiser les synergies entre les initiatives digitales et le reste du portefeuille de projets.
  • Le Portfolio Manager fournit au manager de la transformation une vision d'ensemble des impacts et des risques potentiels de la transformation.
  • Leur dialogue ouvert et leur prise en compte mutuelle des contraintes sont essentiels à la réussite de la transformation digitale.
  • Cette complémentarité entre les rôles permet d'optimiser l'allocation des ressources et de piloter efficacement le changement à l'échelle de l'organisation.

Conclusion

Le Portfolio Management est une approche incontournable pour les entreprises gérant de nombreux projets. En centralisant les données, en priorisant les projets stratégiques et en assurant un alignement constant avec les objectifs et contexte de l'entreprise, cette méthode permet de maximiser les chances de succès et de réagir avec agilité aux évolutions du marché. Son déploiement requiert cependant une implication de toutes les parties prenantes.

Notes de bas de page

[1] … C'est tout le sens de la formule LVID où le D signifie Desired Launch "Date"

Telegram icon